L’infatigable dessinateur aux crayons électriques est de retour sur les écrans français à l’occasion de Duel à Monte-Carlo del Norte (Slide en VO), un western musical pas comme les autres. À bientôt quatre-vingt ans, Bill Plympton reste cette figure de proue de l’animation américaine indépendante, capable d’émouvoir et de faire rire en une seule image. Rencontre avec le maître dans les locaux d’ED Distribution, son distributeur français historique, afin d’évoquer les étapes de fabrication de ce nouvel opus.
LES JULIEN(S) : Un western en animation est quelque chose que l’on ne voit pas si souvent sur nos écrans, comment vous est venue l’idée ou l’envie ?
BILL PLYMPTON : J’ai grandi dans l’Oregon, juste au nord de la Californie, dans un endroit proche des bois, de la forêt. Mon père était un fan de musique country, il en écoutait beaucoup. C’est le cumul de tous ces éléments qui m’a donné l’envie de me lancer dans un western qui se déroulerait dans les bois, avec beaucoup de musique country et de bûcherons à l’écran. Il faut dire aussi que j’ai toujours aimé dessiner des cow-boys. Je ne peux pas m’empêcher de le faire depuis tout petit. Réaliser un western en film d’animation rempli de cow-boys, d’humour et de belles chansons est en quelque sorte un rêve devenu réalité.
Aviez-vous des références à l’esprit en termes de films, livres ou autres avant de vous lancer dans cette aventure ?
En effet, je pense notamment à Femme ou Démon (Destry Rides Again en VO, de George Marshall, 1939) ou Le shérif est en prison (Blazing Saddles en VO, de Mel Brooks, 1974). Brooks est un de mes réalisateurs préférés, Les Producteurs est sans doute l’un des meilleurs films qui aient jamais été faits. Le shérif est en prison est un film hilarant, je l’ai vu tellement de fois !
[À ce moment de l’interview, soit au tout début, Bill Plympton, qui a toujours l’habitude d’apporter avec lui quelques-unes de ses œuvres originales dans un classeur portfolio, l’ouvre devant nous et nous montre certains des dessins spécialement créés pour le film.]

Le style que je voulais adopter pour ces dessins était quelque chose d’encore plus brut que d’habitude, qui incorpore des erreurs et des ratures exprès. Mon personnage de cow-boy était censé être plus méchant au départ, mais il est devenu gentil au fur et à mesure, peut-être parce que je ne pouvais m’empêcher de le dessiner et de m’y attacher un peu plus à chaque fois que je le faisais.
Duel à Monte-Carlo del Norte s’intéresse aussi au monde du cinéma et à l’atmosphère folle des studios hollywoodiens.
J’avais cette idée sur un maire qui cède à l’appel du gain et veut détruire la forêt, la nature et construire un complexe touristique à la place, un peu comme un nouveau Las Vegas. Il veut expulser tous les pêcheurs du coin et tout recouvrir de béton. C’était l’idée de base du film. Je voulais aussi que le personnage féminin soit une chanteuse. Parce que c’était censé être une comédie musicale. Je me suis dit que ce serait intéressant de la faire débuter comme prostituée, quelque chose que l’on ne voit pas trop non plus dans un dessin animé, même à destination des adultes. Elle possède une très belle voix et a d’autres aspirations que la prostitution, elle veut devenir une star de la radio. C’est à ce moment-là que je fais intervenir le studio hollywoodien pour tourner un film de cow-boys en Oregon.
Comment travaillez-vous l’aspect musical de vos films ? Quel est votre processus créatif ?
Quand j’écris le scénario, je réfléchis aux endroits où la musique serait appropriée. Ensuite, j’invite la personne chargée de la musique, en l’occurrence Maureen McElheron pour ce film, nous étudions et lisons le scénario ensemble et nous décidons des parties qu’il serait vraiment amusant d’illustrer sur le plan musical. Il y a beaucoup de musiques différentes dans Duel à Monte-Carlo del Norte, pas seulement de la country. Certaines chansons sont vraiment sombres et évoquent un peu la musique irlandaise. Et puis d’autres sont plus joyeuses, comme pour un rodéo. On a essayé de varier le plus possible, je pense que l’on a commencé avec douze chansons, mais qu’il y en a que huit ou neuf au final. M’investir dans la partie musicale est pour moi un plaisir, car j’ai eu joué de la slide guitar.
On a eu vent de cela.
Je n’étais pas très bon. J’ai joué de la pedal steel aussi, mais pareil, ce n’était pas entièrement fait pour moi. Mais dieu merci, j’avais l’animation pour vivre. (rires) J’avais envie de montrer ce qu’il y a de beau dans le fait de jouer de la slide guitar, quelque chose qui n’avait pas vraiment été fait en animation. J’étais très motivé à l’idée de travailler cela et nous avons pu compter sur l’implication d’un ami musicien, Hank Bones, qui vit en Caroline du Nord. Une fois que j’avais un premier montage, nous allions dans son studio en Caroline du Nord et nous discutions sur ce à quoi la musique pouvait ressembler. Maureen a écrit la musique, les paroles et mélodies et Hank s’est ensuite mis au travail. Il joue de tous les instruments. Nous avons enregistré toutes les chansons en deux jours. Hank est un musicien vraiment extraordinaire.
À quelle étape d’avancement se trouvait ce premier montage ?
On avait une idée précise du timing, des mouvements, ainsi que des personnages. Mais le montage n’était pas encore assez resserré et il n’y avait pas de couleur du tout. Nous avions juste besoin de lui montrer ces quelques éléments et il avait déjà une idée précise de ce que l’on voulait. Parmi les choses que je voulais absolument faire dans ce film, c’était célébrer la vieille musique country comme celle d’Hank Williams, Tammy Wynette, George Jones ou Johnny Cash. Je les écoutais quand j’étais enfant. Alors, je voulais faire un film qui utilise cette musique country d’antan.
Pour continuer sur la musique, nous sommes très sensibles à votre collaboration avec Nicole Renaud dans Des idiots et des anges et Les Amants électriques, il y a une puissance dramatique et romantique palpables dedans.
Est-ce qu’elle est célèbre ici ? Comment la connaissez-vous ? Nous avions fait un film ensemble, intitulé Eat (2001), qui avait été présenté à Cannes et avait remporté un prix. C’est une de mes musiciennes préférées, elle joue dans des petits clubs et se produit beaucoup en Italie. Je ne l’ai pas vue depuis un moment. Je crois qu’elle a quitté New York et qu’elle est de retour en Europe…
Est-ce que le fait d’avoir joué d’un instrument comme la slide guitar vous a aidé dans la création du personnage principal ?
Sûrement car, simple détail, cela m’a donné l’idée du balancement au niveau de ses épaules.
[Bill nous montre alors un de ses dessins pour illustrer sa parole et l’idée de balancier.]

C’est l’un de mes premiers dessins, je ne le trouve pas si réussi que ça, mais on sent l’idée de balancement. Il y a des traces de crayon que je devrais effacer…
[Il nous montre alors le décor du bar.]

Je voulais voir à quoi ressemblerait le bar, je souhaitais avoir un parquet qui craque, qui semble inégal, comme s’il avait été construit en deux temps trois mouvements. J’adore ce genre de grand escalier qui mène à des chambres à l’étage. Ça ressemble à ces films de western des années 40. Beaucoup d’entreprises forestières et de scieries avaient des bars comme celui-ci, c’est plutôt réaliste finalement.
Duel à Monte-Carlo del Norte semble encore plus rythmé que votre film précédent, il en devient presque expérimental par moment.
C’est intéressant ce que vous dites car le montage n’a jamais été ma spécialité et je trouve certaines parties encore trop longues ou lentes. J’aime quand c’est rapide et qu’il y a de l’intensité dans les plans. Comme par exemple pour les scènes avec des armes à feu, je souhaitais avoir des coupes franches afin de faire ressentir l’impact des tirs. J’ai pu compter sur l’aide d’un monteur professionnel qui gagne bien sa vie dans la publicité et qui voulait faire quelque chose de plus créatif ou amusant. Mon but premier est toujours de créer le plus de gags possibles. Savoir si les spectateurs peuvent comprendre la blague en deux secondes, afin de passer à la scène suivante et ainsi de suite. Pour cela, le rythme et donc le montage sont essentiels.
Dans ce nouvel opus, vous vous en prenez ouvertement à la corruption, l’exploitation et à la cupidité des entreprises. Aviez-vous des arrières pensées politiques en faisant ce film ?
Absolument. Je pense que Jeb Carver, le maire corrompu dans l’histoire, est très similaire au Président des États-Unis actuel et que son seul intérêt est l’argent. Tout ce qui l’intéresse, c’est encore et toujours faire de l’argent. Il est même prêt à tirer sur l’un de ses employés si cela lui permet d’arriver à ses fins. Il y a une certaine résonance avec les situations que l’on vit… (NdlR : en témoigne la proposition complètement lunaire de Trump concernant la possibilité de transformer Gaza en French Riviera, comme une nouvelle Côte d’Azur)
Comment gérez-vous l’aspect des voix dans vos films ?
Je ne me considère pas très doué pour les voix. Je préfère les films sans dialogue. Mais celui-ci devait en contenir à cause du maire et de ses plans maléfiques. Je travaille avec une équipe de doubleurs que j’apprécie beaucoup et à laquelle je fais souvent appel. Maureen McElheron, qui a donc fait la musique, incarne Delilah, la star du film. Nous travaillons à l’italienne, je commence par faire les images, et même le mouvement des différentes bouches. Ensuite, nous nous occupons des voix afin qu’elles correspondent au mieux avec lesdits mouvements. Je sais que ce n’est pas comme cela que Disney procède ou même Pixar. Ils enregistrent d’abord les voix, puis réalisent l’animation en fonction. Mais j’aime le côté brut de cette technique, le fait que ce soit un peu décalé ou que ça ne corresponde pas entièrement. Cela ne me dérange pas, cela fait partie d’un tout dans lequel j’intègre les erreurs ou errances, mes dessins en regorgent. Certaines lignes ne sont pas au bon endroit ou ne fonctionnent pas. Mais j’aime ce côté décontracté, cette folie. C’est très « animé ».
Vous véhiculez parfois cette image du dernier animateur à travailler artisanalement. Vous sentez-vous parfois un peu seul ?
Pas vraiment, car les Japonais le font encore, ils utilisent des crayons et du papier. Bien entendu, la colorisation est souvent faite numériquement, mais les dessins se font encore sur papier. Je ne sais pas si cela va durer très longtemps.
[Bill continue de nous montrer certains de ses dessins.]
Voici quelques expériences, j’adore travailler les ombres avec des hachures croisées, c’est fait au stylo bille. Et ici ce sont les « Sugar Shakers », on les appelle comme ça dans le film. Ce n’est pas forcément évident de prime abord, mais les femmes adorent ce passage. À chaque fois que j’interviens quelque part, il y a généralement une ou deux femmes qui me demandent de parler des « Sugar Shakers ».
Parlez-nous en alors.
C’est de l’ordre de la blague. À plusieurs moments de l’histoire, les prostituées avaient besoin de secouer leur poitrine pour appâter le chaland. J’ai juste pensé que ce serait drôle d’avoir une machine qui leur permettrait de le faire plus facilement. Dans la dernière partie de l’histoire, quand ils se retrouvent dans l’eau et qu’ils s’en servent comme d’un bateau à moteur, le public est souvent plié de rire.

Est-ce que ce film a été plus difficile à faire que le précédent ?
Oui, notamment à cause de la crise du COVID, j’ai dû arrêter de travailler dessus car je n’avais plus d’argent. Soudain tous les cinémas fermaient, tous les festivals de cinéma, ainsi que les conventions habituelles. A cause de cela, je ne gagnais plus rien, alors j’ai dû arrêter et faire des commandes, des publicités, de la promotion, des clips, bref d’autres projets. C’est pour cela que ce film a mis sept ans à se faire alors que je mets habituellement entre deux et trois ans. Mais bon cela a permis un joli niveau de détail dans mes dessins. Autre chose, je n’utilise plus beaucoup la table lumineuse, je me sers d’une autre technique. Cela peut paraître bizarre mais cela fonctionne pour moi : je pose une feuille de papier où l’on voit au travers sur une autre feuille et je les mets sur une lampe. Lorsque je suis assis sur mon canapé, je regarde des films à la télé, et je me mets à dessiner dessus. Ce n’est pas parfait, cela tremble un peu, mais c’est l’effet que je recherche.
[Bill s’arrête sur un dessin – le Hellbug – sur lequel notre regard s’est fixé.]
Beaucoup de gens aiment le Hellbug, je ne sais pas pourquoi, c’est vraiment un personnage particulièrement laid.

Peut-être que c’est pour cela que les gens l’aiment !
Il y a longtemps, une dizaine d’années, je pensais justement à faire un dessin animé qui se passerait en Enfer. Je me suis demandé quel serait l’endroit le plus répugnant dans ce lieu ? Le pire, le plus infernal. Je me disais que ce serait sans doute les toilettes avec des immondices qui empestent, des insectes et des graffitis partout, ce serait vraiment le pire du pire. Alors je me suis dit que ce serait marrant d’avoir une incarnation de cet enfer ultime : l’insecte infernal. C’est de là d’où vient l’insecte infernal, du plus profond des enfers. Et puis, c’est juste amusant à dessiner.
Avez-vous changé votre façon de travailler au fil de ces sept ans de travail ?
J’ai dû faire quelques ajustements, car les personnages ont évolué au fil des ans. Je n’ai pas vraiment hésité à les modifier. S’ils semblent un peu changés, ce n’est pas grave. Mickey Mouse a tellement été modifié ces cent dernières années que le public le reconnaît plus à sa voix, à ses couleurs et à ses mouvements : c’est la même personne, le même personnage.
Combien de dessins avez-vous fait pour le film ?
J’estime le nombre à environ quarante mille. Je peux faire une quinzaine, voire une vingtaine de dessins par jour. C’est-à-dire quatre ou cinq secondes de film par jour, ce qui est très rapide comparé à Disney ou Pixar. C’est aussi cela qui donne une forte impression de mouvement. Parfois, il y a de petits à-coups dans les personnages, mais juste ce qu’il faut, car les traits ne sont pas nets, voire même flous. C’est d’une certaine manière un peu impressionniste. Mais ça ne scintille pas autant et c’est beaucoup plus fluide grâce au flou des lignes. C’est une astuce que j’utilise. J’emploie des cycles, des reliefs, des panoramiques et beaucoup de mouvements de caméra, ce qui donne l’impression que ça bouge vraiment.
Est-ce que vous recevez l’aide de quelqu’un ?
J’ai de l’aide au studio. J’ai des stagiaires qui viennent parfois se charger de la colorisation, ils s’occupent également de scanner les dessins sur ordinateur, puis d’amorcer le compositing en superposant le premier plan avec l’arrière-plan. Ce sont eux qui font ça, je ne m’en occupe pas. Du coup, je donne juste à mon producteur une grosse pile de dessins en noir et blanc, ils les colorient et on anime.
Est-ce que vous choisissez les couleurs ensemble ?
Je les choisis moi-même.
Est-ce que vous pourriez nous parler de votre prochain projet ?
Oui, bien sûr, ce n’est pas un secret. Il faudra encore un peu de temps avant que ce ne soit prêt à être dévoilé. Mais à l’origine, l’idée était celle d’un homme assis à un bureau. J’ai quelques dessins à vous montrer ici.
[Il sort quelques dessins de son book] :
Il mange un sandwich, il y a un hameçon dedans et il se retrouve attrapé comme un poisson. Il se débat sous son bureau, puis le fil se rembobine et il se retrouve sur le toit. Je me suis dit que c’était une idée marrante, mais métaphorique aussi. Comme ces personnes qui se retrouvent coincées dans des boulots ennuyeux… Comme je n’ai jamais trouvé où l’intégrer, je me suis dit que si j’avais d’autres idées de gags bizarres et surréalistes sortis de nulle part, je pourrais les rassembler dans un film qui se déroule entièrement dans un bureau. Ce long métrage sans parole s’appellera A Day at the Office / Une journée au bureau. Il n’y a pas vraiment d’histoire ou d’intrigue à proprement parler, ni de fin à suspense. Mais je sais que Jacques Tati a fait cela aussi, avec des petits bruits étranges, comme si la porte s’ouvrait et qu’une mouche volait autour. C’est juste un petit moment de surréalisme absurde. Je voulais faire un film dans le même registre, comme du surréalisme à grande échelle. Quelque chose de tordu, très bizarre. Voilà le plan, je ne sais pas ce que cela va donner, j’ai quelques storyboards ici.

[Il nous en montre quelques-uns] :
Ce sont des esquisses, des storyboards préliminaires. Je vais les peaufiner au crayon. Je commence par cela et quand je suis satisfait du résultat, une fois que tout est en place, j’enchaîne sur des storyboards plus détaillés. À l’origine, ça devait s’appeler Tati, mais j’ai changé le titre pour Une journée au bureau. J’aime travailler sans dialogue, sinon cela a tendance à ralentir vraiment tout. Chez Tati, même lorsque l’on ne comprend pas les mots, on perçoit les émotions. Et en plus, on n’a pas besoin de traduction ! (rires)
Comment vous viennent vos idées, est-ce dans un lieu précis ou à un moment de la journée, est-ce que cela vous apparaît ainsi, inopinément ?
À tout moment, partout et toute la journée ! J’habite à New York, donc en allant à mon bureau, je vois tellement de choses bizarres que je les note pour ne pas les oublier. Et puis, qui sait, peut-être qu’un jour elles se retrouveront dans un film…
Il y a cet autre projet appelé Duckville, pourriez-vous aussi nous en parler ?
J’aime bien dessiner des canards. Ils sont très drôles et amusants. Je me suis dit que ce serait génial d’avoir un village entièrement composé de canards, un peu comme dans les contes de fées. « Il était une fois le Village des Canards et personne ne venait dans leur ville. Aucun touriste ne venait, car c’était un village tellement ennuyeux. Alors, un petit garçon a eu une idée : pourquoi ne pas faire attaquer le village par un Monstre ? Ils deviendraient célèbres ! Tous les journaux en parleraient ! Alors, ils ont engagé un monstre. Ils l’ont bien payé pour simuler une attaque contre le village. Et puis, bien sûr, tout a mal tourné et ça a été un désastre. Mais ils ont quand même survécu… » Je ne sais pas encore quand il sera montré en France mais c’est un court-métrage très drôle.
Envisagez-vous de réaliser d’autres films en coréalisation (comme par exemple avec Jim Lujan, Revengeance, 2015) ?
Pas vraiment. J’ai fait celui-là parce que Jim est un excellent scénariste et que ses personnages étaient géniaux. Je voulais l’aider, j’avais du temps et de l’argent, j’ai même produit le film. Mais il n’y en aura pas d’autres, je préfère être plus libre et je n’aime pas les conflits.
Y a-t-il des artistes ou animateurs actuels que vous trouvez intéressants et qui, selon vous, continuent à incarner l’esprit de l’animation indépendante ?
Don Hertzfeldt, qui nous vient du Texas, est une vraie rockstar. Il y a des files d’attente qui s’étendent sur des pâtés de maisons lorsqu’il arrive quelque part. Je ne sais pas s’il est connu en Europe mais en Amérique, il a un public très nombreux. Il est vraiment très bon. Et puis, il y a Patrick Smith, j’adore Pat Smith. Il fait beaucoup de choses en ligne sur YouTube, il s’en sort très bien et est indépendant. Il y a aussi Signe Baumane, originaire de Lettonie, qui vit maintenant à New York. Elle réalise seule des longs métrages. Elle reçoit des dons de fans, et ses films sortent en salles et sont projetés partout dans le pays. Elle s’en sort plutôt bien elle aussi. Comme vous le savez, les États-Unis n’investissent pas beaucoup dans les arts, contrairement à ici. Alors des gens comme Don Hertzfeldt et moi devons exister auprès du public. C’est notre audience qui nous permet de continuer. Don ne fait pas de conventions mais il cartonne à Sundance. Il y montre ses films et gagne des prix. Du coup, il a un public très large grâce à cela. Personnellement, je reviens tout juste d’un Comic Con et c’était super. J’ai aussi participé à Formula Bula l’année dernière, à Paris.
Est-ce que vous côtoyez tous ces artistes, est-ce que vous vous entraidez ?
Oui, bien sûr, je les vois régulièrement. Il y a aussi Pes (Adam Pesapane) dans le lot qui a réalisé Fresh Guacamole, qui a eu un énorme succès sur YouTube. Il a gagné des milliers de dollars avec ce film. Comme je disais, je vais à des conventions d’animation, je rencontre nombre de futurs talents de l’animation et j’essaye de les aider. Je donne aussi des masterclass, j’adore cela, j’essaye d’en faire un peu partout en France. Je parle de ma façon de réaliser mes films et de la possibilité pour les jeunes de devenir indépendants et de réaliser leurs propres films s’ils le souhaitent.«Mais, avant tout, je leur rappelle le « dogme » de Plympton.
Quel est-il ?
Ce dogme, c’est la clé du succès pour tout court-métrage ! (rire malicieux)
Premièrement, il faut qu’il soit court, pas de quinze ou vingt minutes. Personne ne voudra regarder un film de quinze minutes, c’est difficile à regarder.
Deuxièmement, faites-en un film bon marché. Essayez de faire le maximum de choses par vous-même. Comme ça, vous n’aurez pas à débourser trop d’argent.
Et troisièmement, et c’est sans doute le plus important, faites-en un film drôle. S’il est drôle, tout le monde voudra le voir. Voilà ma formule du succès dans le cinéma indépendant ! Les trois règles d’or !
Propos recueillis le 14 octobre 2025.
Remerciements spéciaux à ED Distribution, Manuel Attali, Fabrice Leroy et Romane Oddon.

Duel à Monte-Carlo del Norte de Bill Plympton (80′ – 2024 – États-Unis / France)
Avec les voix de Daniel Kaufman, Maureen McElheron, Jim Lujan
Distributeur France : ED Distribution
sortie au cinéma le 5 novembre 2025
Playlist d’une vingtaine de morceaux country / folk à écouter en lisant l’interview :